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Pour abreuver les cœurs qu’altère un saint amour,
Traverse de l’erreur le sombre et froid séjour !
En vain, dans son grand lit, creusé par des Archanges,
Des mensonges impurs tombent toutes les fanges ;
En vain, l’orage gronde et soulève ses flots,
Pour en faire sortir le ténébreux chaos :
Le fleuve, en débordant sur ses rives stériles,
Semble les dévaster, pour les rendre fertiles ;
Et retrouvant son lit, après chaque ouragan,
Poursuit son cours vainqueur vers le vaste océan !


 La lutte entre le bien et le mal est sans trêve ;
La lutte recommence, et jamais ne s’achève !
Pour propager l’amour et le règne divin,
L’apôtre, au nom du Christ, jamais ne parle en vain ;
L’apôtre doit crier, et le docteur écrire,
Pour empêcher le vice et l’erreur de prescrire !
L’Église Militante, en d’incessants combats,
Au martyre, en tous lieux, prépare ses soldats.
En ces temps orageux de basse flatterie,
Taire la vérité, c’est trahir la patrie !
Et le sage, l’apôtre, ou le barde inspiré,
Doit s’entendre accuser de zèle exagéré !
 La sainte liberté, la liberté divine,
Qui fait de l’homme un saint, et fait une héroïne
De la femme angélique, — ah ! cette liberté,
Elle est fille du ciel et de l’autorité ;
Elle obéit à l’ordre, et, sans l’obéissance,
Esclavage orageux, elle devient licence !
La sainte liberté, c’est obéir à Dieu ;
L’homme, affranchi de Dieu, rampe esclave en tout lieu !
L’homme rebelle au Christ, l’homme au Christ infidèle,
Sent que, pour le punir, tout lui devient rebelle :
De la science en lui s’éteint le pur rayon ;
L’âme cède à la chair, et la chair au Démon ;
Et ce fils de l’orgueil, monstre aveugle et servile,
Allume le brandon de la guerre civile !
 Le fanatisme impur, plein de haine, en ces jours,
Hélas ! veut pervertir le plus saint des amours :
Aux transports les plus doux qu’inspire la patrie,
Il veut associer l’adultère hérésie !
Dans le sauvage espoir de son règne infernal,
Il appelle à son aide et l’erreur et le mal ;
Du traître et du félon il se fait le complice,
Et de l’apostasie exploite la malice !
Ô patrie, ô drapeau qu’agitent tous les vents,
Plus que les étrangers, crains tes propres enfants !
Crains tant de vils partis et de sectes rivales !
Crains l’égoïsme étroit de tant d’âmes vénales !