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Dieu l’a fait pour oser toute sainte entreprise ;
Le sable sous ses pieds soudain se fertilise :
À travers les périls il passe en conquérant ;
Toujours sûr du succès, il s’écrie : En avant !
Son génie inventif, maître de la matière,
Aspire sans repos vers l’idéale sphère !
Il couvre de respect et la femme et l’enfant ;
Son amour, en tous lieux, les protège et défend ;
Pour devise il a pris : Dieu, Liberté, Patrie,
Noble tradition de la Chevalerie !
Du temple des Beaux-Arts franchissant les degrés,
Dans la science il marche à pas démesurés :
Poètes, orateurs, historiens célèbres,
De leur premier éclat déchirent les ténèbres ;
Et leurs noms glorieux, en traversant les flots,
Du vieux Monde épuisé vont troubler le repos !…

Adieu la froide Europe ! adieu les vieilles races !
L’Amérique a reçu leurs primitives grâces :
Le soleil d’Orient, pâle, n’éclaire plus
Que des tombeaux glacés, des trônes vermoulus !
La République heureuse, universel asile,
Refuge hospitalier du malheur qui s’exile,
De la Religion qui retrouve ses droits,
La République heureuse épouvante les Rois !
Les vieilles nations, folles profanatrices,
Ont besoin de sentir des mains flagellatrices ;
Elles ont spolié les trésors du saint-lieu :
Le Pontife clément sera vengé par Dieu !
Le Nord tient en réserve, au milieu de ses neiges,
Les fléaux dont le ciel punit les sacrilèges ;
Et réveillés, au bruit tonnant du Vatican,
Arrivent Alaric, Totilla, Gengiskan !
Mais la jeune Amérique, innocente auprès d’elles,
Voit augmenter l’essaim de ses races nouvelles ;
Plus forte, chaque jour, elle voit ses enfants
Marcher vers l’avenir, pleins d’espoirs triomphants !
Morse et Fulton, doués d’un magique génie,
Font que par un éclair l’âme à l’âme est unie ;
Et que la République, en son activité,
Embrasse comme un point l’espace illimité !

L’Amérique est le port de tous les grands naufrages :
Le malheur est sacré ; l’Europe, en ses orages,
Lui jette quelquefois d’illustres condamnés ;
Nous comptons parmi nous de preux infortunés ;
Nous comptons des savants, d’héroïques apôtres,
Rivalisant d’ardeur les uns avec les autres ;