La tyrannie est donc toujours le châtiment ;
Oui, de leur décadence et de leur fin prochaine,
Toujours la dictature est la marque certaine !
Chaque peuple, affranchi du Vicaire de Dieu,
Sous un prince, héritier d’une verge de feu,
Gémit dans l’esclavage ; et le Prince rebelle
Dans son palais en vain cherche une citadelle :
La justice d’en haut l’y poursuit et l’atteint ;
Il sent le glaive aigu du Dieu qu’il n’a pas craint ;
Et pour l’expédier, ainsi que Louis-Philippe,
La vengeance du ciel n’attend pas qu’il s’équipe !…
Et voilà le Pouvoir, voilà l’Autorité,
Qu’on ose préférer à notre Liberté !…
Entre deux océans, sous ta brillante zone,
Ô Liberté sauvage, en tes bras d’Amazone,
Bercés, dès leur enfance, au bruit des ouragans,
Tes filles sont des fleurs et tes fils des géants !
Tes fils, fiers pionniers, douce et puissante race,
Devant le vol de qui la distance s’efface !
Tu sembles, au berceau, prophétique Pallas,
De tes royales sœurs avoir sonné le glas !
L’azur de ta bannière étincelle d’étoiles ;
Tous les flots sont blanchis par tes rapides voiles ;
Et ton Aigle, au regard éblouissant d’éclairs,
Contemple, en son essor, tous les soleils divers !
Ta Constitution, ô jeune République,
Laisse grandir en paix l’Église Catholique ;
Elle peut suivre ici son inspiration : —
Mieux vaut la liberté sans la protection,
Que la protection avec la servitude ;
Avec tous ses excès, mieux vaut la multitude,
Que le concours gênant d’un Protecteur royal,
Consommant ses forfaits sous le masque légal ;
Oui, de la liberté mieux vaut la violence,
Que les séductions d’une active Puissance,
À qui l’esprit jaloux et les raisons d’État
Trop souvent ont dicté l’odieux Concordat ! —
Malgré les défenseurs des vieilles Monarchies,
Du Pontife Romain par l’orgueil affranchies ;
Malgré les fiers prôneurs des Empereurs, des Czars,
Des règnes prolongés d’égoïstes Césars ;
Malgré tous les Veuillots de la langue Française,
Oh ! oui, j’ose le dire, — après Grégoire-Seize,
Qui sentait par les Rois son pouvoir rétréci : —
« Le Pape nulle part n’est plus Pape qu’ici ! »
Nous n’avons pas ici d’Église Américane ;
Notre vitalité de Rome seule émane ;
Entre nous et le Pape, il n’est pas de tyran,
Pour glacer notre amour et briser notre élan !
Page:Rouquette - L'Antoniade, 1860.djvu/66
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 66 )