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Imite le Vieux Boon, au bord du Missouri,
Solitaire émigré des bois du Kentucky,
Loin des hommes ingrats trouvant la paix divine ;
Et riche de sa Bible et de sa carabine,
S’écriant librement : « Gloire à la Blanche-peau,
« Qui peut vers l’Occident suivre le buffalo ;
« Qui marche en des sentiers, où seul l’Indien passe :
« Que je plains tous les cœurs à qui manque l’espace !
« Que je plains des cités les tristes prisonniers !
« Heureux seuls les trappeurs, les libres pionniers ! »
  Imite avec amour cette jeune Indienne,
Que voulait retenir la terre Italienne :
Élevée au milieu de séraphiques sœurs,
Qui du cloître béni lui versaient les douceurs,
Malgré les tendres soins, malgré l’amitié" sainte,
L’Indienne étouffait dans leur étroite enceinte !
Dans la douce prison, malgré sa piété,
Des bois son cœur rêvait l’espace illimité ;
Sous le toit des palais ou de marbre ou de brique,
Elle rêvait le ciel de l’inculte Amérique ;
Dans Saint-Pierre-de-Rome ou près du Vatican,
Triste, elle s’écriait : « Ô mon lac Michigan !
« Qui me rendra mon lac, mes déserts, mes savanes,
« Le village natal et ses pauvres cabanes ?....
« J’étouffe ici ! J’étouffe ! Oui, mon âme, à l’étroit,
« Languit dans son exil sous un ciel pâle et froid !....
« Rendez-moi l’Amérique et ses lacs et ses fleuves :
« L’Europe a pour mon cœur de trop rudes épreuves !
« Malgré vos soins, mes sœurs, cette grande maison,
« Pour la fille des bois, n’a qu’un sombre horizon !
« Je pars, mes sœurs ; adieu !.... Donnez-moi ma couverte,
« Et ma cabane au bord de la savane verte ;
« Donnez-moi, loin d’ici, dans ma sauvageté,
« Les fruits, la folle-avoine et la sagamité !
« Le désert a pour moi le charme monastique ;
« J’y trouve, écrit de Dieu, l’Évangile mystique ;
« Tout m’y parle de foi, d’espérance et d’amour ;
« Après le ciel, pour moi c’est le plus doux séjour !
« Que je comprends l’ermite au désert de Nitrie ;
« Pour y vivre avec Dieu rendez-moi ma patrie !
« Que je comprends Saint Paul, en son isolement :
« Le livre du désert est le plus éloquent ! »
  Imite, en la chantant, la « Bonne Catherine, »
Érémitique fleur de la tige Algonquine.
Viens l’entendre invoquer, rangés près de la Croix,
Par les pieux enfants des guerriers Iroquois :
Parcourant tous les lieux qu’a parcourus la Sainte,
Tu croiras de ses pieds découvrir chaque empreinte ;
Et des vieux Chefs conteurs écoutant les récits,