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Des astres réfléchit les clartés les plus vives ;
Et ce firmament d’eau, limpide et lumineux,
Est le séjour aimé du cygne harmonieux !
 C’est au prix des douleurs et des larmes secrètes,
Des méditations dans les calmes retraites ;
C’est au prix de la faim et des privations,
De jours amers, remplis d’humiliations ;
C’est au prix de l’exil, et de la calomnie,
De tout ce qu’en raillant peut inventer l’envie,
C’est à ce prix que l’âme enfin trouve l’abri,
L’asile reculé par la Muse chéri, —
Sanctuaire interdit aux pas des multitudes,
Solitude profonde au sein des solitudes !


le poète.


En ta pâleur mystique et ta sérénité,
Tu sais, pour être à toi, tout ce que j’ai quitté !
Tu sais combien de fois, dans mon âpre délice,
Combien je fus blessé par la froide malice ;
De quel reproche amer, de quel glaive de feu
On a percé le cœur qui, fidèle à son vœu,
En pouvant être riche, aima mieux la misère ;
Et qui pouvant régner, s’humilie et préfère
L’heureuse dépendance où tu l’as mis toujours,
Sans que jamais du ciel lui manquât le secours !
Tu sais combien de fois, en butte à l’ironie,
Je fus l’objet du blâme et de la calomnie ;
Combien de fois aussi la folle activité
M’accusa de paresse et d’incapacité ;
Et dans sa triste ardeur et sa vaine importance,
Osa me reprocher ma stérile indolence !
Si je ne t’avais pas aimée insensément,
Aurais-je supporté son langage insolent,
Son orgueilleux outrage et sa lâche menace ;
Aurais-je, en me taisant, supporté son audace ?
Ah ! je t’ai donc aimée en sublime insensé ;
Et je t’aime encor plus, depuis qu’on m’a blessé !


la muse.


L’Art est un sacerdoce, et la Muse jalouse
Du barde chaste et pauvre est la divine épouse !
Quitte tout vil travail, tout vulgaire métier :
Pour me donner à toi, je te veux tout entier !
Eh ! qu’importe l’exil, l’abandon sur la terre :
L’Art est un dévoûment, l’Art est un culte austère ;
Et jamais l’Idéal, en toute sa splendeur,
Ne rayonne au profit d’un vil spéculateur !
Dès qu’en son atelier pénètre l’Industrie,