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Tous ces accords divers ne formant qu’un seul fleuve,
Où, dans sa soif du Beau, l’humanité s’abreuve !
 Ce livre, qu’en mes bois j’ai longuement rêvé,
Tel qu’il est, je le donne, — ouvrage inachevé !
Par les larmes du cœur, en secret répandues,
Les cordes de ma harpe, hélas ! sont détendues ;
Elles ne vibrent plus, dociles sous mes doigts,
Comme au souffle du soir la harpe des grands bois —
Allons, Muse divine ; allons dans la retraite,
A genoux, écouter la voix du Grand Poète !
Dans le bruit des forêts, dans le chant des oiseaux,
Dans le mugissement de la chute des eaux,
Dans tout ce qui gémit, pleure, prie et soupire,
Allons saisir l’accent de l’Éternelle Lyre !
Dans la Création, dans le Livre de Dieu,
Écrit en lettres d’or et syllabes de feu,
Écrit avec des fleurs, des étoiles sans nombre, —
De la Beauté cachée allons saisir une ombre,
Un reflet ravissant d’invisibles clartés :
« C’est Dieu qui fit les bois et l’homme les cités ! »
Allons, Muse divine : « Ainsi qu’à Saint Jérôme,
Il nous faut à tous deux ou le désert ou Rome ! »
Il nous faut à tous deux, pour chanter et prier,
Ou la Ville Éternelle ou l’ombre du palmier !…
 Ô Rome, pour les droits du Siège Apostolique,
Pour ton Pontife aimé, quel élan sympathique
Des Évêques sans nombre et des Prêtres divers,
Des fidèles semés dans le vaste univers !
Oh ! quel cri, tout-à-coup, quel accord unanime,
Quels transports spontanés d’adhésion sublime !
Oui, pour Rome Papale, Éternelle Cité,
Pour le Pape régnant et pour la Papauté,
Pour toi, Pio Nono, tranquille et doux Monarque,
Pilote vigilant de la Divine Barque, —
Se proclamant partout tes courageux soutiens, —
Quelle union d’amour parmi tous les chrétiens !
Ah ! que puis-je t’offrir, après les témoignages
Que la foi t’envoya des plus lointains rivages ?
Moi, l’obscur habitant des incultes déserts,
Ah ! que puis-je t’offrir ?… Mon amour et mes vers !
Oui, Saint-Père, je t’offre et soumets ce Poème ;
Je soumets à ton cœur, à ta raison suprême.
À l’infaillible Esprit qui t’inspire en tous temps,
Avec amour et foi, je soumets tous mes chants !
 Tout Pouvoir vient de Dieu ; tout pouvoir légitime
Est soumis à la Loi, qui la règle et réprime ;
Tout pouvoir de la terre, au ciel subordonné,
Pour le Bien général au Monarque est donné ;
C’est au nom de Dieu seul, c’est comme Mandataire,
Que tout Pouvoir humain s’exerce sur la terre,