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Viens, parmi mes enfants établissant ton règne,
Réaliser l’amour que l’Évangile enseigne :
Oh ! que de cœurs d’élite, avant la puberté,
Consacreront par vœux leur vierge liberté !
Dans leur amour divin, déjà plus d’une sainte,
Jusqu’à l’ivresse ont bu le calice d’absinthe ;
Déjà le Lys, la Rose et Tëgahgouita
Ont frayé le sentier qui mène au Golgotha !
Je sais des cœurs, éclos sous mes diverses zones,
Des cœurs battant pour Dieu dans des seins d’amazones ;
Des cœurs qui pour agir n’attendent que ta voix,
Et qui reproduiraient les vertus d’autrefois :
 Viens, Reine d’Orient, mystique Solitude,
Qu’accompagnent partout la prière et l’étude ;
Il est un de mes fils, épris de tes attraits,
Qui te réserve un temple au fond de mes forêts :
Dès l’enfance, un instinct l’éloigna de la foule ;
Il aime les sentiers que nul mortel ne foule ;
Il te rêve et te chante, il t’appelle et t’attend ;
Il a prophétisé ton règne en Occident :
Viens consacrer ce cœur à ton autel rustique ;
Pour lui, viens ériger un cloître érémitique ;
À ce cœur, en secret, découvre ta beauté :
Pour n’aimer que toi seule, il a fui la cité ;
Il a fui sans regrets la foule et le tumulte,
Pour s’unir à toi seule en mon royaume inculte.


la solitude religieuse.


Amérique, salut ! — Je bénis tes climats ;
De tes fils au désert je viens guider les pas ;
Je viens aux cœurs fervents préparer des retraites,
Ouvrir la Thébaïde à tes anachorètes !
Saintement orgueilleuse, un jour, en m’écriant : —
L’Occident est plus riche en fruits que l’Orient ! —
Avec toi je lirai, sous la voûte azurée,
De tes milliers de saints la Légende Dorée !
Amérique, salut ! — Je viens a toi ; je viens,
Pour mon règne nouveau, choisir parmi les tiens…
 Et toi, Premier Ermite, humble et chaste poète,
Austère enfant des bois, toi qui fus mon prophète ;
Toi, dont le cœur constant a su me pressentir ;
Toi qui, dans ton amour, me chantais en martyr :
Sois béni, mon élu ! ton épreuve s’achève ;
Tu vas réaliser ton prophétique rêve !
L’heure approche où la gloire, aux ombres succédant,
Jettera son éclat sur l’immense Occident !
Tu verras par l’amour les retraites tranquilles,
Les déserts se peupler, en dépeuplant les villes ;
Les déserts luire encor, sous mon règne plus pur,
D’autant d’astres que l’Ange en sème dans l’azur !