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L’union fraternelle en Dieu.

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emmanuel.


Je t’admire, ô ma sœur ; ton choix est le plus sage :
La vie est un exil, et la tombe un passage ! —
Vanité, vanité, tout n’est que vanité !
La tristesse est le fruit de tout bonheur goûté !
Autrefois je rêvais un avenir de gloire, —
Prestigieux mirage, oasis illusoire ! —
Je rêvais, dédaigneux du luxe, enfant de l’or,
D’amasser de l’esprit l’éblouissant trésor !
Je veux, — je veux, disais-je, — éteindre de mon âme,
Aux sources du savoir, la dévorante flamme ;
Je veux pâlir, la nuit, sur mes livres penché,
Et boire chaque flot de science épanché ;
Pour épouse, je veux ne choisir que l’étude ;
Je ferai de ma chambre une âpre solitude ;
Je fuirai mes amis, en fuyant les plaisirs ;
Je ne connaîtrai pas d’infertiles loisirs ;
Absorbé par l’étude, où l’âme est assouvie,
L’exil sera pour moi plus doux que la patrie !
Riche enfin du trésor dans l’exil amassé,
En saluant, joyeux, la terre où je suis né,
Je remplirai de bruit mon politique rôle ;
Dans un souffle enflammé vibrera ma parole ;
Sous mes regards perçants, remplis d’éclairs vainqueurs,
Je sentirai frémir les esprits et les cœurs ;
Et la voix de la foule éclatant en louanges,
Je connaîtrai l’orgueil qui fit tomber les Anges !
Et qui sait ?… en l’essor de mon génie ardent,
Je peux me voir un jour Ministre ou Président ;
A Washington porté par les flots du Pactole,
Je peux me voir enfin le chef au Capitole ! —
Vanité, vanité ; tout n’est que vanité !
La tristesse est au fond de tout rêve exalté !
Toute fleur du plaisir contient l’ivresse amère :
L’homme doit s’effrayer des bonheurs de la terre !