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Au Principe Eternel rattachant chaque fait,
L’Esprit à la matière, et la Cause à l’effet,
Il a par la synthèse éclairé l’analyse, —
Fidèle à la Nature et fidèle à l’Église.
Louisiane, ô patrie ! un sang de chevalier
Coule encor dans ton sein ; je ne puis l’oublier !
Française par le cœur, en ton ardeur guerrière,
Tu vainquis les héros de la vieille Angleterre !
Le lugubre cyprès, aimé du nouveau Nil,
De ses linceuls de mousse ombrage leur exil ;
Attestant de tes fils l’invincible courage,
Ils dorment sans lauriers sur ta rive sauvage ;
Et le Fleuve, en enflant ses grands flots écumants,
Inonde avec orgueil leurs pâles ossements !
Je te dois et te garde à jamais, ô patrie,
Un amour filial, un culte de latrie ;
Et tu seras toujours, « après celle des cieux »,
La plus douce à mon cœur, la plus belle à mes yeux !
Et toi, ville créole, active Capitale,
Ô Nouvelle-Orléans, ô ma ville natale,
Je t’aimerai toujours, et ton hostilité
Ne ferait qu’enflammer mon amour exalté !
Quand je te vis, enfant, tu n’étais qu’un village ;
À mon berceau tes bois ont prêté leur ombrage ;
J’ai vu, dans tes faubourgs plantés de lataniers,
La taïque avec art façonnant ses paniers ;
Et le jeune Chactas, noirci par la boucane,
Sur le feu redressant sa longue sarbacane,
Tandis qu’avec adresse un enfant sur l’oiseau
Décochait de son arc la flèche de roseau :
Aujourd’hui, je te vois, opulente rivale,
Disputer à New-York la palme impériale !
Ô ma ville chérie, ô Nouvelle-Orléans,
Tes fils ont hérité du noble esprit des Francs ;
Sur leur front brille encor l’auréole mystique ;
Ils ont la sainte ardeur de la race Celtique ;
Oui, la France et l’Espagne ont de leurs émigrés
Vu naître dans tes murs des fils régénérés ;
Des fils, dignes du temps de la Chevalerie,
Qui, maniant l’épée et la lyre chérie,
Ne laisseront jamais s’effacer de ton sol
Le sceau du nom Français et du nom Espagnol !…
Arbres de la patrie, oiseaux, fleurs, ciel de flamme,
Tableaux sacrés brillant dans le miroir de l’âme,
Grand Fleuve, lacs d’azur, primitives forêts,
Nature âpre et sauvage, ô terre de cyprès,
Louisiane ! je t’aime, en ta monotonie ;
Et ton austère aspect, ton climat s’harmonie
Avec l’esprit rêveur, le cœur contemplatif