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antoine calybite.


Le repentir peut tout, au tribunal suprême ;
Le baptême des pleurs vaut le premier baptême ! —
Madeleine éplorée, Augustin repentant,
De leur éclat divin éblouirent Satan ;
Et vous pouvez aussi, plus jeune et moins coupable,
Vous pouvez l’éblouir d’une gloire ineffable,
Écraser son orgueil sous votre humilité,
Et ressaisir les droits de votre royauté !…
Repentante, abaissez votre front dans la poudre :
Au nom du Dieu d’amour, j’ai le pouvoir d’absoudre !


sylvia.


Mon père, me voilà ; — je viens, le cœur broyé
Par la contrition et dans les pleurs noyé !
Confuse, anéantie, et n’osant, dans ma peine,
Nommer du nom d’Époux celui qui me ramène…
Oh ! que j’ai de regrets de l’avoir offensé !
Dites, — comment pourrai-je expier le passé ?


antoine calybite.


Par la Croix !…


sylvia.


Par la Croix !…Par la Croix ? — j’ai tout compris, mon père !
C’est assez pour mon cœur ; je triomphe et j’espère ! —
Je l’aimerai toujours, je n’aimerai que lui :
Qui pourra m’ébranler, s’il devient mon appui ? —
Le monde est sous mes pieds ; la chair est comprimée ;
Le Démon tremble et fuit, ; c’est une femme armée,
Invincible guerrière, épouse et reine encor,
Qui reparaît brillante au sommet du Thabor !
Oui, je sens battre en moi le cœur d’une héroïne !
Oui, mon Père, je sens cette force divine,
Cet instinct d’autrefois, ce généreux esprit,
Qu’inspire au cœur brûlant l’amour de Jésus-Christ !…
Mes péchés, fussent-ils cent fois plus innombrables
Que les feuilles d’automne ou que les grains de sables,
Par les vents et les flots accumulés sans fin ;
Pussent-ils, plus nombreux que l’invisible essaim
D’insectes bourdonnant dans les noirs marécages,
Ou dans un ciel d’hiver les orageux nuages ;
Eussent-ils, dans leur nombre et dans leur gravité,
Sondé l’abîme impur de toute iniquité,
Tout ce qu’en sa folie ose tenter la femme :
Jamais le désespoir n’entrera dans mon âme !
Jamais du désespoir l’orgueil impénitent
Ne fera de mon cœur son enfer dévorant !