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C’est dans le mouvement qu’elle accomplit son drame.
Veut-on du Moyen-Âge évoquer parmi nous
Les moines inactifs, les extatiques fous ?
Place à Marthe en sueur ; mais à Marie, arrière !
La nuit du Moyen-Âge obscurcirait notre ère :
Un siècle de lumière, un siècle de raison,
Ne connaît pas les fruits d’une longue oraison ;
L’active charité seule a droit de lui plaire ;
La contemplation, oisive et solitaire,
N’est qu’un déguisement de l’égoïsme étroit ;
Oui, celui qui s’isole a le cœur sec et froid !
Chacun doit au progrès prendre une part active ;
Chacun doit apporter sa parole effective ;
Tout marche à la vapeur, tout s’ébranle et s’émeut ;
Agissez ! avancez ! ce grand siècle le veut ! —
À chaque pas que fait le siècle en sa carrière,
On entend une voix qui lui crie : en arrière !
Mais ce cri, sans écho, qu’emporte l’ouragan,
N’arrête pas le siècle, en son magique élan !
Le progrès sans repos, dans son vol électrique,
Unit le Monde Ancien à la Jeune Amérique.
Ce siècle, dédaignait les obstacles grossiers,
Des fluides subtils, transformés en coursiers,
Empruntant la vitesse, ainsi que l’énergie,
Inspire à la matière un esprit de Magie !
Des bancs de Terre-Neuve aux côtes de l’Erin,
Il jette en se jouant un câble sous-marin ;
Et l’éclair animé, l’électrique message,
Vibre et vole, échangé de rivage en rivage ;
Pour le siècle actuel, l’impossible n’est plus ;
Les problèmes anciens par lui sont résolus ;
Annihilant partout le temps et la distance,
De merveille en merveille, avec fougue il s’élance ;
La vapeur, la lumière et l’électricité,
Proclament en tous lieux sa triple royauté ;
Il est maître aujourd’hui de la nature entière ;
En peintre merveilleux il change la lumière,
Dompte avec la vapeur l’orgueil des flots amers,
Et lance sa pensée en syllabes d’éclairs !
Que lui faut-il encore ? Ah ! je puis le prédire :
Dans l’océan de l’air à monter il aspire ;
Et l’on verra bientôt l’empire des oiseaux
Sillonné par le vol de magiques vaisseaux ;
Et l’homme, devenu le fier rival de l’aigle,
N’avoir plus dans les cieux que son orgueil pour règle ! —
 Il est passé le temps des moines inactifs,
Des poètes rêveurs, des froids contemplatifs :
La vie est un combat, le zèle est dans l’orage ;
L’esprit de polémique est l’esprit de notre âge ;