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CRIME D’ENFANTS — (inédit)



La légende de Bouddah, offrant son corps en pâture aux petits d’une tigresse « parce qu’ils ont faim », ne fait que traduire en un sacrifice sublime l’exaltation du sentiment de la solidarité des êtres.

Nos sentiments de bonté, que nous vantons si haut en toute occasion, ont-ils beaucoup progressé depuis cette antiquité reculée, soit envers les hommes que notre état social condamne à tant de tortures, soit envers l’innombrable troupeau que nous poussons à nos abattoirs ou que nous faisons périr sous le fouet pour la satisfaction de nos besoins ? La réponse à cette question est au moins douteuse Ce que nous pouvons affirmer, c’est que la pitié humaine ne se laisse pas fragmenter. Qui est bon envers les hommes, est nécessairement bienfaisant envers les animaux, et réciproquement. Comment, en effet, pourrait-on concevoir une âme douce aux bêtes, cruelle aux pauvres humains ? Au rayonnement d’amour envers tous ses compagnons de destinée, à l’expression d’altruisme vers tout ce qui est, vers la bonne planète qui l’enchante de ses spectacles et l’univers sans fin qui l’épouvante de ses problèmes, se mesure la noblesse de l’homme, l’élévation de son génie…

Quelle route infinie de progrès… Oh ! si nous osions… si nous voulions…

*

Je promenais ces pensées, un soir d’octobre, à l’heure bâtarde du crépuscule, sur les quais, en