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1759. Le premier moulin, qui fut construit par un Anglais, fut emporté par la crue des eaux au printemps suivant. On en rebâtit un autre, qui devint, quelques années plus tard, la proie des flammes, et il n’en reste plus que les ruines qui sont là, à notre droite. On ne fit, dans la suite, aucune tentative pour le reconstruire. C’est de cette époque que datent toutes les histoires de revenants que tu as entendu raconter. On a cru pendant longtemps, et on le croit encore dans certaines familles, que ces ruines étaient hantées par des esprits infernaux. On disait qu’on voyait, tous les soirs, des lumières se promener dans toutes les parties de cette masure ; on a été même jusqu’à faire courir le bruit que l’on y avait vu le diable tout rouge habillé comme un soldat anglais, se dandinant avec une torche flamboyante à la main, chantant et blasphémant. Toutes ces histoires firent le tour de la paroisse, et tout le monde en fut effrayé.

« Un jeudi du mois d’août, il y a trois ans de cela, ma bonne vieille Madeleine, que j’aime autant qu’au jour de mon mariage dans la petite église des Écureuils, me dit :

« — Mais, mon bon Jean, on n’a pas de poisson pour demain, et tu sais que vendredi est un jour maigre. Prends donc ta ligne, descends à la rivière et emporte-moi une couple de beaux dorés pour notre dîner de demain. Hein ! mon vieux ? »