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sur l’habitation diabolique. Mais ce ne fut qu’une ombre passagère, car il continua aussitôt d’une voix calme :

« — Tu dois savoir qu’il n’y a plus personne dans la maison de M. Lucifer, depuis que j’y ai couché un soir. Je n’ai pas froid aux yeux, tu sais ; or, si j’ai eu peur, c’est que c’était effrayant, tu peux m’en croire.

« — Racontez-moi donc cette histoire-là. Je désire beaucoup connaître ce qui inspirait tant de crainte et de terreur aux braves habitants des Écureuils et du Cap-Santé, qui ont cherché à pénétrer ce mystère, mais qui avaient bien soin de se tenir à une certaine distance du moulin, de peur de voir des revenants ou d’entendre des chansons infernales. Je crois que vous êtes le seul qui ait osé entrer dans cette masure, le soir, et réussi à faire cesser tous les racontages qui circulaient dans la paroisse à ce propos. »

« Le père Godin fut charmé de l’éloge sincère que je faisais de sa bravoure. Il se rendit donc à mon désir avec empressement. Secouant sa cendre de pipe sur son genou, il retira sa ligne de l’eau et me fit le récit suivant :

« — Le moulin dont tu vois les ruines était bâti au même endroit qu’occupait la maison de mon grand-père Jean Godin, du temps du fort Jacques-Cartier, qui fut pris par les Anglais commandés par le capitaine Fraser, dans le cours de l’automne de