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que les enfants des acteurs de la scène vivent encore.

« Deux familles faisaient la frayeur du deuxième rang de cette paroisse. Voisines et proches parentes, elles n’avaient d’énergie que pour l’ivrognerie et le blasphème. Quand la cruche de boissons arrivait bien pleine, les deux ménages, hommes vieux et jeunes, femmes et enfants, emplissaient à tour de rôle tasses et plats de fer-blanc. Une fois que la boisson avait produit son effet, c’était une bataille en règle qui commençait, accompagnée de hurlements affreux et de malédictions contre Dieu et les choses saintes. Tous les habitants du voisinage fermaient la porte de leurs maisons à clefs, éteignaient la chandelle ou la lampe de fer suspendue à la crémaillère et défendaient à leurs enfants d’écouter ce qu’on entendait au dehors ou de regarder ce qui se passait chez leurs infortunés voisins. On disait dans toute la paroisse qu’un grand châtiment allait frapper bientôt ces coupables, qui depuis longtemps ne fréquentaient ni église ni sacrements. Personne du rang ne voulait même porter leurs enfants au baptême.

« Un soir, les deux familles avaient bu outre mesure. Le souper à peine terminé, tous ces ivrognes se mirent à parcourir la voie publique en hurlant et en blasphémant ; les enfants frappaient leurs parents et les donnaient au diable, et les parents leur rendaient la pareille. Bien qu’ivres, ils s’aperçurent néanmoins qu’il y avait au milieu d’eux plusieurs hommes au visage noir qui riaient, blasphémaient et