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la gêne, et lorsque Dieu l’appela au céleste séjour, sa veuve dut vendre la ferme pour payer les dettes et se réfugia avec ses deux enfants dans une chétive cabane construite près de la baie ; elle vivait du travail de son fils et de sa fille. Jean, c’était le nom du garçon, partait tous les printemps pour faire la pêche sur les bancs de Terre-Neuve et ne revenait que l’automne. Julie, la fille, faisait la consolation de sa mère ; elle était pieuse, active et douée de toutes les qualités qui ornent la femme chrétienne dont parle l’Évangile ; elle avait appris le métier de couturière, et l’ouvrage ne lui faisait presque jamais défaut. Cette jeune fille portait une dévotion toute particulière aux âmes du Purgatoire. Chaque samedi, elle donnait un franc à son curé pour faire dire une messe pour les bonnes âmes ; jamais elle n’avait manqué de remplir cet acte religieux.

Il en est de la couture comme de tous les autres métiers ; le chômage arrive parfois avec toutes ses funestes conséquences. C’est ce qui eut lieu pour Julie. Une semaine, elle eut beau frapper à toutes les portes, partout elle essuya un refus ; et le samedi elle n’avait qu’un simple franc dans son gousset. Que faire ? Sa mère n’a plus de pain. Et les âmes du Purgatoire ! Va-t-elle les négliger ? Elle hésite, elle réfléchit, elle verse quelques larmes sur son malheureux sort. Mais son hésitation ne dure qu’un instant ; elle prend son franc et court le porter au curé, en se disant :