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fit tourner la proue de la chaloupe à droite et se mit à godiller de toute la force de ses deux bras musculeux. En un instant, la chaloupe accosta au fond de l’anse, dans une talle d’aunes. Il était temps, car les Anglais étaient à environ deux arpents en arrière.

« — C’est ici le temps, dit mon grand-père à son ami, de vérifier si la mauvaise nourriture de la citadelle a diminué nos forces pendant notre captivité. »

« Et, saisissant un bout de la chaloupe qui ne pesait pas moins de six cents livres, mon grand-père dit à Pierre Léveillé :

« — Fais-en autant que moi. »

« Les deux amis la soulevèrent comme un copeau, gravirent la falaise, traversèrent le plateau, soit une distance d’un arpent environ, et lancèrent à flot leur embarcation de la côte opposée. Pierre Léveillé s’arma d’une planche comme d’un aviron et mon grand-père, de sa rame, et la chaloupe s’éloigna rapidement du rivage.

« Tu peux juger de la surprise des soldats anglais lorsque, rendus au fond de la baie, ils n’aperçurent ni chaloupe ni prisonniers. Ils se hâtèrent de sauter à terre, d’allumer des torches et de fouiller toutes les broussailles ; mais ils ne trouvèrent rien.

« Cherchez comme il faut, dit le commandant de la petite troupe. Je donnerai cent louis à celui qui les apercevra le premier, et je le ferai sergent. »