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temps ; elle cria aussitôt Guard turn out, et la garde conduisit mon grand-père au violon.

« Le prisonnier ne fit aucune résistance et, rendu au corps de garde, il se coucha et feignit de dormir.

« Tout à coup il se leva, vociféra, hurla, cassa tout dans le corps de garde et demanda de la jamaïque à boire. Les soldats anglais, le prenant pour un fou ou pour un homme en délire, le saisirent, le transportèrent dans une chambre en arrière, fermèrent la porte au verrou et le laissèrent seul.

« Mon grand-père continua de crier encore quelque temps, puis il finit par s’apaiser et se taire. Son premier soin fut de visiter sa prison, qui se composait de trois chambres, dont l’une servait de bureau privé aux officiers du génie. C’est là qu’il empocha les journaux français et le plan de campagne dont je t’ai parlé plus haut. Après avoir trouvé ce trésor inestimable, il recommença son tapage infernal, renversa les tables, cassa les chaises et donna dans la porte de formidables coups de pieds qui ébranlèrent tout le corps de garde.

« L’officier qui commandait la garde dit alors à ses hommes :

— Ouvrez la porte et rendez-lui la liberté. On le pincera bien quand il sera à jeun. Aujourd’hui, pour le calmer, il faudrait le tuer, et c’est contre nos ordres. »

« Mon grand-père s’empressa de venir rejoindre son ami Léveillé pour lui faire connaître le résultat