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un petit bois s’élevant près du chemin du Roi, dans le haut de la paroisse, afin de surveiller l’approche de l’ennemi et donner l’alarme en temps voulu. Plusieurs jours et plusieurs nuits s’écoulèrent dans le plus morne silence. On aurait dit qu’une cruelle épidémie, comme le choléra asiatique, par exemple, avait ravagé cette paroisse, qui semblait déserte. La mort, l’affreuse mort paraissait planer sur cette population jadis si bruyante et si joyeuse.

Voyant que l’implacable ennemi retardait tant à apparaître, on finit par reprendre un peu de courage et se livrer de nouveau aux travaux de la ferme. Mais voilà que tout à coup, par une magnifique soirée, on entend une fusillade des mieux nourries du côté de l’ouest. Il n’y avait plus de doute, c’étaient les féniens qui arrivaient pour immoler les innocents. Décrire les scènes de tous genres qui eurent lieu alors est impossible. Il faut en avoir été le témoin pour s’en former une juste idée.

Une famille, entre autres, composée du père et de la mère, de trois garçons et de deux filles, se signala par des actes de bravoure que nous n’avons pas encore oubliés et que nous raconterons aussi brièvement que possible.

À la première décharge de mousqueterie, le père Pierrot commande à son fils aîné, Baptiste, d’atteler la cavale rouge à une charrette.

« Vite, s’écrie le bonhomme, voilà les feignants qui nous tombent dessus. Qu’allons-nous devenir ?