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pris aucune nourriture de la journée ; il fait quelquefois des chutes déplorables, dues au découragement qui s’empare de son âme ; mais il se relève aussitôt, et sa pensée se porte vers la céleste patrie, objet de tous nos désirs. Ses anciens amis le fuient ou daignent à peine lui lancer un regard à la dérobée à cause de ses haillons. Cette horreur qu’il inspire à tout le monde lui fait plus de mal que toutes les autres souffrances qu’il endure. Être méprisé de ses semblables, que c’est pénible pour un cœur bien né !

Trois ou quatre ans s’écoulent de la sorte : Edmond était considéré comme un rebut de la société. Un bon matin, un élégant, c’était un avocat, entre dans le taudis du jeune homme et lui pose la question suivante :

« N’êtes-vous pas monsieur Edmond T…, natif de la paroisse de B… ? »

Pierre répond avec amertume :

« Malheureusement je suis la personne que vous désignez et que vous cherchez.

— Eh bien, monsieur Edmond, voulez-vous me signer un reçu de $100,000 ? Cette somme vous est léguée par un oncle qui a émigré aux États-Unis, il y a une quinzaine d’années. Il est mort dernièrement, il vous a fait son seul héritier et m’a chargé de l’exécution de son testament. »

L’orphelin croit rêver. Cependant l’avocat lui montre les billets de banque et les documents se rapportant à la succession.