Page:Rouleau - Légendes canadiennes tome I, 1930.djvu/68

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de nous procurer une agréable soirée et adoucir, par les joies du moment, les amertumes que notre prochaine séparation allait faire naître en nos cœurs.

Cette soirée, nous ne l’oublierons jamais. Il y avait à cette réunion de véritables savants, qui n’ont cessé d’exciter notre admiration. Le philosophe réfutait les sophismes les plus habilement conçus ; le poète récitait par cœur des centaines de vers de sa composition, sans hésitation aucune ; le musicien nous parlait des grands maîtres comme s’il avait vécu avec eux. Tous se distinguaient par des connaissances approfondies. C’est alors que nous nous sommes convaincus plus que jamais qu’au sortir du collège, — nous venions de terminer nos études classiques, — nous ne savons encore rien, même après un cours des plus brillants.

À la fin de la soirée, un des invités, qui possédait le vrai talent de la narration, nous raconta une histoire qui avait eu un certain retentissement en France, il n’y avait que quelques années. Ce récit nous avait fortement impressionné, et nous croyons intéresser nos lecteurs en rapportant ici les principaux traits d’une vie cruellement éprouvée.

Dans la paroisse de B… vivait une famille pauvre, mais honorable. Cette famille, qui s’occupait d’agriculture, se composait du père, de la mère et d’un fils unique. Le fils était parvenu à la dixième année de son âge et montrait de très grandes dispositions pour l’étude. Ses parents auraient désiré le faire ins-