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Aimons dans tous les vents de la plaine et des monts ;
Ô mes frères, mes sœurs, je vous le crie, aimons !
Bouches qui vous fermez, taisez-vous sur un psaume ;
Fleurs lasses qui mourez, fuyez dans un arôme ;
Perds-toi, rêve ou parfum, parmi d’autres encens !
Et vous, feux de l’espace, univers vieillissants,
Mêlez ensemble, à l’heure où vous sombrez vous-mêmes,
Les dernières clartés de vos rayons suprêmes !
Et toi, notre vieux globe, enfant du vieux soleil,
Terre de mon exil, terre de mon réveil,
Égrène au loin tes pleurs en légère rosée !
Quand tu déchirerais ta dure écorce usée,
Nous dispersant brisés dans tes débris épars,
Pourvu qu’un cri d’amour ait uni nos départs,
Béni soit l’âpre orage où ton sol ému tremble !
Les âmes qu’il effeuille iraient toutes ensemble ;
Et le grand cœur humain, comme un large encensoir,
Brûlant par tous les cœurs au même vent du soir,
Monterait d’un seul souffle en un flot de fumée !
Lève-toi donc et viens ! Lève-toi, bien-aimée !
Allons vers les vivants ! Lève-toi, viens, ma sœur ! »


Et, tandis que, pareille à l’aigle ravisseur,
Elle arrachait du nid la colombe effrayée,
La formidable nuit, vaguement réveillée,