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Chants et Poèmes

Nos lamentations qui s’achèvent en une ;
Car nos âmes s’en vont dans une âme commune !
Mes maux sont à jamais ceux que ma sœur souffrait ;
Et je marche avec elle, unie à son secret !
Oui, je sais à présent ; je vais parler aux hommes ;
Je parlerai pour toi dans le deuil où nous sommes.
Mon doigt levé dans l’ombre, 6 sœur, avec ton doigt,
Sous le rayon pâli qui tombe au ras du toit,
Fera voir aux vivants, par la porte entr’ouverte,
L’Enfant-Dieu qui sourit dans sa douceur offerte ;
Et mon âme criera comme la tienne : Amour !
Oui, je sais à présent ; l’aurore éclat, le jour
Est proche… O fleurs de l’herbe, étoiles des nuits blanches,
Oiseaux fuyants, rochers mordus des avalanches,
Troupeaux chassés au vent, peuples endoloris,
Vous toutes et vous tous, formes, rêves, esprits,
O mes frères, mes sœurs, ô vous tous et vous toutes,
Herbe foulée ou chair sanglante, âme qui doutes,
O vivants qui souffrez, mes frères et mes sœurs !
Venez ! L’aube a blanchi les funèbres noirceurs !
Venez ! Le verbe est dit, le secret se révèle ;
Voici le mot promis de la Bonne Nouvelle !
Aimons le souffreteux, l’éploré, le méchant ;
Aimons l’herbe des prés qu’on écrase en marchant ;
Aimons le rayon d’or avant qu’un soir l’éteigne ;
Aimons tout ce qui vit et qui meurt et qui saigne ;