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Souviens-toi ! C’est fini de rêver ton blanc rêve.
Le fantôme a parlé : souviens-toi, doux songeur !
Et, docile à sa voix, tu viens, tu prends ton glaive ;
Et dans ta faible main surgit le fer vengeur !


Mais ton bras trop débile a fléchi sous la tâche…
Tu ne sais que rêver, tu ne sais que souffrir ;
Tu sens que ta main tremble et que ton cœur est lâche,
Et tu n’as même pas la force de mourir.


Et tu vas sous la voix du fantôme implacable ;
Tu vas levant ton glaive et frappant n’importe où,
Pâli sous ton destin qui te trouble et t’accable ;
Toi pur et sage esprit, tu t’en vas comme un fou.


Tu t’en vas follement vers la tombe entr’ouverte,
Justicier misérable errant dans Elseneur ;
Tu t’en vas entraînant, malgré toi, dans ta perte,
Les êtres bien-aimés des jours de ton bonheur.


Et tout est consommé… Repose en paix, doux frère ;
Doux rêveur effrayé d’agir et de vouloir,
Repose en paix couché sous ton drap funéraire…
Ton jour est accompli : voici tomber le soir.