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Des rigueurs de l’hyver j’ai porté tout le faix ;
Tu l’as vu : quand la glace attristoit la nature,
Sans feu, sans vêtement privé de nourriture,
J’entendois près de moi, nuds et mourans de faim,
Ma femme et mes enfans me demander du pain.
Hélas ! à mes enfans, à ma femme, à moi-même,
Épargne désormais cette indigence extrême,
Et n’abandonne plus aux autans déchaînés,
Et mes grains, et mes fruits par l’orage entraînés :
Ils sont tout mon espoir ; qu’ils soient ma récompense. »

Il prie encor, il prie ; et d’un nuage immense,
Son oeil épouvanté voit les flancs épaissis
S’élargir, s’allonger sur les monts obscurcis,
Descendre en tourbillon dans la plaine, et s’étendre,
Et rouler : un bruit sourd au loin s’est fait entendre.
Le nuage en tonnant s’ouvre, et les étendards,
Et l’éclat des mousquets hérissés de leurs dards,
Flottant comme la mer qui balance son onde,
Les chevaux hennissans, et le bronze qui gronde,
Les clairons, les tambours, les trompettes, les cors,
Tourmentant les échos d’homicides accords,