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Quand l’été dévorant nous dardera ses traits,
Myrthé dans ce ruisseau baignera ses attraits.
Délicieux espoir ! ô félicité pure !
C’est l’amour qui m’apprend à sentir la nature.
De quel nouveau plaisir mon coeur est enyvré,
Quand je vois un troupeau dans la plaine égaré
Bondir ; et près de lui, les bergers, leurs compagnes ;
Par grouppes varier la scène des campagnes,
En réveiller l’écho muet depuis long-tems,
Et saluer en choeur le retour du printems !
Mais dieux ! Quel noir penser attriste mon ivresse !
Ces agneaux sous mes yeux folâtrans d’allégresse,
Arrachés à leur mère, aux fleurs de ce côteau,
Iront dans les cités tomber sous le couteau.
Ils servent l’appareil d’un festin sanguinaire,
Où l’homme, s’arrogeant un droit imaginaire,
Tyran des animaux, étale sans remords
Ses meurtres déguisés, et se nourrit de morts.
Arrête, homme vorace, arrête : ta furie,
Des tigres, des lions passe la barbarie.