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Heureux, qui peut gravir au sommet des montagnes,
Et là, nonchalamment sur la verdure assis,
Dans un calme profond endormir ses soucis,
Respirer des jardins le baume salutaire,
De l’oeil suivre un ruisseau qui roule solitaire,
S’enyvrer de fraicheur ; et sans prévoir le jour,
Abandonner son ame à des pensers d’amour !
Mais quelle voix lugubre, affreuse, épouventable,
Interrompt mes concerts d’un long cri lamentable !
Aux rayons que Phébé lance à travers ce bois,
D’un regard inquiet j’observe... ô dieux ! Je vois,
Se traînant dans la nuit, une ombre gémissante.
Ses cheveux sont épars ; de sa main défaillante,
Un sceptre d’or brisé tombe souillé de sang :
Les poignards sont encor enfoncés dans son flanc.
D’une profonde horreur je frémis, je m’écrie :
« Quels monstres ont sur vous épuisé leur furie ?
Confiez à mon coeur vos destins désastreux. »
À ces mots, elle pousse un soupir douloureux,
Et l’oeil sur moi fixé, de plus près elle avance !