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Prête un suc astringent, qui par un prompt secours,
De mon sang épanché doit rallentir le cours :
Donne au riant ormeau la liqueur épurée
Par qui s’éteint l’ardeur de la fièvre altérée ;
Au frêne, la vertu de consoler les yeux
Affoiblis et blessés de la clarté des cieux ;
Au tilleul... mais hélas ! Quel mortel peut connoître
Tout le pouvoir des sucs que ta chaleur fait naître ?
Linné, qui d’un regard à la Parque fatal
Débrouilla le cahos du règne végétal ;
Adanfon et Jussieu, ces fidèles oracles
D’un monde, où la nature a semé les miracles,
Mille fois en perçant, et les bois épineux,
Et les vallons déserts, et les rocs caverneux,
N’avouèrent-ils point qu’à la foiblesse humaine
Se cachoit la moitié d’un si vaste domaine ?
Sans doute à nos regards les temps pourront l’ouvrir ;
Mais par combien de soins il la faut conquérir !
La nature, semblable à l’antique Protée,
D’obstinés curieux veut être tourmentée ;
Elle aime les efforts des mortels indiscrets :
C’est l’importunité qui ravit ses secrets.