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Ils couroient plus joyeux moissonner leurs guérets.
Pour nous, à qui les mois plus lentement préparent
Les ondoyans trésors dont nos rives se parent,
Avant que du lion s’irritent les chaleurs,
Dépouillons de son miel le peuple amant des fleurs.
Mais gardons d’imiter ce maître inéxorable,
Qui, dans l’ombre des nuits aux crimes favorable,
Enflamme sous la ruche un bucher sulphureux.
Le repos, le sommeil sur cet asyle heureux
Regnoit ; et tout-à-coup la vapeur dévorante
S’élève à flots pressés dans la ruche odorante,
S’élargit, et frappant de son venin jaloux
L’abeille, accoutumée à des parfums plus doux,
Arrache à leurs palais et le peuple et la reine,
Déjà mourans d’ivresse et couchés sur l’arène.
C’en est trop : et s’il faut que les cruels humains
Signalent par le sang le pouvoir de leurs mains,
Aujourd’hui, vers les bords où l’Europe commence,
Le commerce leur ouvre une carrière immense.