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La flutte doucement soupiroit sous leurs doigts ;
Ils chantoient ; les troupeaux bondissoient à leurs voix :
Le tigre étoit lié d’une invisible chaîne,
Et le miel distilloit de l’écorce du chêne.
Oh ! Comme le mensonge à l’aide des beaux vers
Peut aisément tromper ce crédule univers !
Nous vantons le bonheur de ces belles journées,
Qu’aux premiers des humains firent les destinées ;
Et jamais il ne fut d’âge plus malheureux.
Les élémens impurs, luttans sans cesse entr’eux,
Sur le monde naissant promenoient le ravage.
L’océan mutiné s’égaroit sans rivage.
Ce globe sur son axe encor mal affermi,
Flottoit d’un pôle à l’autre ; et long-tems endormi,
Le soleil au hazard éclaira la nature.
Les champs, terreins fangeux, languissoient sans culture,
Eh ! Comment les dompter ? Le génie inventeur
N’avoit point amolli le fer agriculteur.
Les besoins dévorans, l’importune détresse
De l’homme foible et nud châtioient la paresse :