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Oui, dit on, le printems a vu le monde éclore ;
Il a vu dans les airs monter le front des bois ;
Du premier rossignol il entendit la voix ;
Les fleuves devant lui jaillirent des montagnes,
Et son souffle épura les célestes campagnes :
Siècle heureux, siècle d’or, trop chéri des neuf soeurs,
Qui cent fois de cet âge ont chanté les douceurs.
Si j’en crois leurs concerts, le monde à sa naissance,
Ainsi que dans la paix, vivoit dans l’innocence.
Des moeurs, et point de loix ; du moins nul souverain
Ne les faisoit parler sur des tables d’airain.
Les orages, les vents se taisoient : la froidure
Respectoit les beaux jours, les fleurs et la verdure.
Les flots rouloient captifs dans leur vaste bassin ;
Et tandis qu’aux zéphirs la terre ouvrant son sein,
Sans jamais s’épuiser, partout faisoit éclore
Les plus doux fruits, mêlés aux dons rians de flore,
Les agneaux et les loups ensemble confondus
Caressoient les mortels sur la mousse étendus.
Tous amis, tous égaux, les mortels sans envie
Dans un calme profond laissoient couler leur vie :