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Devroit n’en faire, hélas ! Qu’un seul peuple d’heureux ?
Mais parlez : de quel droit plonger dans l’esclavage
L’homme innocent et doux, que vous nommez sauvage ?
Jamais dans vos foyers, barbare conquérant,
A-t-il porté le glaive et le feu dévorant ;
Et repassant les flots sur des nerfs fugitives,
A-t-il jamais traîné vos épouses captives ?
Content des simples fruits que la palme enfantoit,
Au fond de ses déserts, paisible, il habitoit :
Il y seroit encor sans vous, sans la furie,
Qui tourmente ses jours, l’arrache à sa patrie,
Et l’emporte, à travers l’océan écumeux,
Vers des bords, que le crime a rendus trop fameux.
Eh bien ! Qu’un Dieu vengeur des enfans de l’Afrique,
Et du sang, dont le glaive inonda l’Amérique ;
Qu’un dieu dans ces climats vous poursuive ; et sur vous,
Des vents, des feux, des eaux déchaîne le courroux ;
Que sous vos pas, la terre ébranlée, entr’ouverte
S’abyme dans la mer de vos débris couverte ;
Et que votre supplice épouvante à jamais