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58 L’ART THÉÂTRAL MODERNE.

formation ne peut être accomplie par l’auteur même. Alors se pose le grave problème de la mise en scène.

La mise en scène est le procédé par lequel la conception dramatique est rendue visible aux spectateurs.

Pour s’incorporer au drame, la mise en scène doit se dégager, pour ainsi dire, de l’idée créatrice. Elle a pour but de nous donner une illusion scénique. Il faut exiger d’elle, non pas qu’elle nous trompe aux dépens de la vérité, mais qu’elle nous absorbe si profondément qu’elle semble véritablement nôtre. L’erreur de nos théâtres est de créer l’illusion scénique au moyen d’objets inanimés, alors qu’elle nous est donnée par la présence corporelle de l’acteur. C’est l’acteur surtout qui doit compter, tout ce qui l’entoure doit lui être subordonné.

Que venons-nous chercher au théâtre ?

De la belle peinture, nous en avons ailleurs et pas décdupée, heureusement ; la photographie nous permet de parcourir le monde dans notre fauteuil ; la littérature nous suggère les plus séduisants tableaux, et bien peu de gens sont assez déshérités pour ne pouvoir de temps en temps contempler un beau spectacle de la nature. Non ; au théâtre, nous venons assister à une action dramatique ; c’est la présence des personnages sur la scène qui motive cette action ; sans les personnages il n’y a pas d’action. L’acteur même ne peut cependant donner l’illusion exacte de la réalité. Il sert de trait d’union entre le théâtre et la mise en scène. On peut dire que par l’art de la danse (exception faite bien entendu des ballets d’opéra), cet art qui nous représente la vie rythmique du corps humain, un milieu fictif est créé. L’évolution de la musique vers le drame peut se comparer à celle de la danse vers la pantomime. Toutes deux, dans leur développement spontané, veulent s’adresser à l’intelligence du spectateur et toutes deux se voient obligées à des concessions pour que l’intelligence puisse les saisir. La musique doit avoir recours à la parole, et la danse doit permettre au corps humain, parla pantomime, de reproduire les gestes. C’est par le « Wort-Ton-Drama » que l’acteur peut satisfaire aux doubles exigences de la vie intelligente et de la vie rythmique.

L’acteur, soit dans l’opéra, soit dans la « pièce parlée » est donc : « le facteur essentiel de la mise en scène ; c’est lui que nous venons voir, c’est de lui que