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LE THEATRE EN ALLEMAGNE. 17

grandes agglomérations d’hommes déracinés du sol ancestral, la puissance des races s’est perdue : les anciens moules se sont brisés sans qu’il s’en soit formé de nouveaux. Pourtant l’aspect de cette vie sans formes a été intolérable. On a mis bien vite un masque à cette laideur. On s’en est tenu, selon la coutume des arrivistes, à l’imitation des formes du passé dans lesquelles les meilleures générations des vieilles civilisations ont fini leur vie. Mais à côté de cette civilisation fausse, de ce clinquant, est en train de se cristalliser une société nouvelle, composée d’hommes de la jeune génération trop vigoureux pour se laisser emporter et écraser par les rouages niveleurs du siècle des machines. Tous ceux qui sont entrés dans ce mouvement forment la nouvelle société qui se sent en contradiction radicale avec le « grand public » et sa pseudo-civilisation de parvenus. Elle compte les esprits les plus réfléchis dispersés aux coins du monde ; c’est l’avenir de l’Europe.

Pour cette société nouvelle, lorsqu’elle se trouvera condensée, un théâtre nouveau se fondera ; comme une nouvelle littérature fleurira. La construction même de l’édifice se modifiera : l’amphithéâtre unique remplacera loges et balcons ; cette transformation matérielle demandera une ouverture moindre de la scène, facilitera la suppression des découvertes, donnera plus de fantaisie, plus de latitude aux plantations.

Que sera cette scène ? M. Georg Fuchs préconise la scène en relief, afin que les sons ne se perdent pas en profondeur, en hauteur ou par les côtés, comme sur les scènes en profondeur. Il est un fait universellement constaté : l’acteur a toujours une tendance à s’approcher de la rampe comme s’il voulait communiquer de plus près à la foule la « vie dramatique » qu’il ressent. Il y est poussé par une force interne, la force dramatique. On peut dire qu’il cherche à se mettre « en relief », au sens précis du mot. C’est donc aller contre les lois mêmes du drame, que de vouloir réprimer cet élan, que d’empêcher cette communion entre l’acteur et le public. Sur les scènes en profondeur, cette tendance produit un effet anti-esthétique, parce que les lumières de la rampe éclairent alors trop violemment l’artiste et le font grimacer. Mais l’éclairage électrique peut remédier à cet inconvénient. Ainsi, du principe de la scène en relief, découlent les lois essentielles