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14 L’ART THEATRAL MODERNE.

Rethéâtraliser le théâtre : telle est la devise de l’auteur. M. Georg Fuchs attend de la civilisation la grande révolution scénique. Il rappelle spirituellement que les réformateurs de théâtre sont toujours partis d’un point de vue exclusif, moral, littéraire, musical, pittoresque ou décoratif. Ils oublièrent que le théâtre était une « industrie » et qu’il devait être construit pour satisfaire le goût du plus grand nombre ; aménagé par conséquent pour la pompe, le clinquant ; en rapport avec la culture des auditeurs. Dans certains villages d’autrefois régnait une « culture paysanne » complète en soi ; aussi les beaux mystères, comme la Passion de Oberammergau, pouvaient-ils être représentés. Les cours royales avaient un théâtre qui correspondait à la vie, à l’esprit des courtisans. Nos scènes modernes sont restées la copie de celles des XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles. La scène à coulisses, née des théâtres ambulants, fut introduite, plus compliquée, dans les théâtres permanents. Cette adaptation n’avait rien de ridicule tant qu’elle était en harmonie avec la culture de l’époque. Elle ne devait être qu’un pis aller provisoire ; elle est devenue définitive !

Notre bourgeoisie parvenue a voulu imiter la splendeur des fêtes de cour, ou rivaliser dans cette boite de « stéréoscope » avec la richesse et la beauté de la nature elle-même. Le grand « opéra » a fait du théâtre le temple d’une prétendue civilisation, caractérisée par le goût pour le pompeux, pour le bruit grisant des orchestres, pour les colorations laides, les maillots rembourrés, les loges où peuvent s’étaler les parvenus, les façades impudentes « pseudo-renaissance ». Le vulgaire se laisse prendre souvent à la séduction des décors ; la simplicité le surprendrait.

La nécessité d’un décor simple s’impose depuis longtemps, ainsi que l’abandon de la scène à coulisses. Wagner avait eu l’idée de faire appel au talent de Bocklin pour le décor de ses drames, mais il voulait conserver les scènes à coulisses et l’éclairage par la rampe. 11 n’obtint rien de Böcklin que cette exclamation : « Wagner n’entend rien à la peinture ! »

Böcklin, en effet, comme tous les peintres vraiment artistes, trouvait que c’était un non-sens de vouloir obtenir une impression juste sous un éclairage faux, et des perspectives fausses. Dans un décor semblable, l’acteur, comparé aux montagnes, aux arbres,