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Il ne saurait y avoir pour le peintre d’autre lien d’harmonie que celui d’une spirituelle fantaisie, hors des limites de l’érudition rigide.

N’oublions donc pas que chaque époque a sa vision d’art.

Feuilletons les illustrations successives d’un livre ancien qui ont paru à quelque cinquante ans d’intervalle : nous verrons une série de visions, toutes intéressantes et cependant différentes.

Chaque époque inscrit dans l’œuvre de ses maîtres le maximum de connaissances techniques.

L’art pictural évolue : il y a trente ans, l’impressionnisme d’un Monet transformait l’art de peindre ; depuis, les Vuillard et les Maurice Denis nous ont enseigné le prix d’autres procédés, la valeur des oppositions de couleurs les plus délicates. N’est-il point temps de chercher dans quelle mesure il serait possible de rajeunir, chez nous, la mise en scène, de la faire correspondre à la vision d’art exprimée par les peintres d’aujourd’hui, et de la rendre harmonieuse à un mouvement général des idées et de la sensibilité dont il est presque paradoxal que, seul, l’art scénique ait pu s’abstraire jusqu’ici ?


Depuis une dizaine d’années, tout un ensemble de recherches du plus grand intérêt se poursuivait à l’étranger, sur un certain nombre de théâtres et dans des milieux différents. On les ignorait presque, car il fallait, pour s’initier, ou bien aborder des ouvrages disséminés qui ne sont point encore traduits dans notre langue, ou bien aller jusqu’à Florence, Munich, Berlin, voire jusqu’à Pétersbourg et Moscou, et s’y documenter laborieusement sur place. Peu à peu, cependant, quelques idées nouvelles ont pénétré et l’attention du public lui-même a été, par les représentations des ballets russes à l’Opéra, violemment attirée vers des ensembles, inédits chez nous, de coloration. Puis, dans diverses revues, des études parurent sur les théâtres étrangers, entre autres sur le Künstler-Theater de Munich, qui a réalisé la simplification du décor et l’abandon pour la « scène en relief » de la « scène stéréoscope ». Et l’on a commencé ainsi à avoir, en France, une idée des réformes théâtrales essayées avec succès à l’étranger.