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« Zoin da herri hori ? » demandais-je. (Quel est
Ce village ?)


Ce village ?) Et du doigt je montrais un village,
Tout en scandant ces mots de la langue sauvage
Vieille comme la roche et comme l’Océan.
— Mais ma voix n’avait pas le chant guipuzcoan.


Le vieux Basque espagnol, sans cesser d’être triste,
Toucha le bord pointu de son béret carliste,
Laissa courtoisement tomber sur l’étranger
Le mépris d’un regard qui semblait déroger,
Et répondit…


Et répondit… Genêts, sapins, fougère, ronce !
Je connaissais pourtant, d’avance, sa réponse !
Je savais par quel mot trissyllabique et fier
Qui mettrait tout d’un coup de la gloire dans l’air,
Ce vieux pâtre hautain allait répondre, puisque
Par ces chemins d’Espagne où la grâce maurisque
Vit dans le geste obscur d’un porteur de fagot,
J’arrivais tout exprès pour l’entendre, ce mot !
Puisqu’il avait, lui seul, rythmé ma marche ; et certe
Je ne l’ignorais pas, petite route verte,
Le nom du cher village assis sur tes bords frais ;
Ce n’était qu’un pieux frisson que je m’offrais
De me faire, en ce lieu, par cet homme, à cette heure,
Dire ce nom qui de tant d’ailes vous effleure !