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OÙ L'ON PERD PIF-LUISANT. 61

Tu le vois, je suis vieux, exténué, rendu Avant l’âge, car j’ai voulu faire ce rêve. La lutte m’a brisé. Non, la vie est trop brève : Pourquoi passer son temps à batailler, pourquoi Ne pas vivre en son coin, sage, et se tenant coi ? Le bonheur régulier, crois-moi, la vie intime. Le foyer, une femme et des enfants, l’estime De son quartier. Surtout, ne fais jamais de vers ! N’en fais jamais ! Si c’est un innocent travers. S’il te plaît, comme on dit, de courtiser la Muse. Quelquefois, au dessert, en bourgeois qui s’amuse. Tu le peux, et c’est sans danger.

                           « Mais si, le soir. 

Quand la lune sourit, tu rêves de t’asseoir Sur le vieux banc de pierre au fond du parc, d’entendre La chanson de la brise, et si tu vas t’étendre Par les matins d’été, dans l’herbe, sur le dos. En regardant le ciel avec des yeux mi-clos. Si le rythme t’émeut, si ton être tressaille Quand s’envole une strophe, et si ton cœur défaille Quand un ami te lit des vers à haute voix. Si le désir te prend, devant ce que tu vois, De l’exprimer axec une forme parfaite,