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LE VOL DE LA MARSEILLAISE.

Venant d’être un héros, courait comme une bête.’*
Tout d’un coup, devant lui, brilla l’état-major
(Car à ce moment-là nous n’avions pas encor
Camouflé nos képis avec de mornes toiles).
Alors, ce malheureux courut vers mes étoiles.
Et haletant, d’un bond, d’un bond où tout son cœur
M’offrait son héroïsme et m’avouait sa peur,
Comme un petit enfant se jette sur son père
En lui criant : Tu vois ce que je viens de faire !
Il se jeta sur moi, monsieur, il s’abattit
A mes pieds, contre moi, monsieur ! Et ce petit
Soldat plein d’épouvante et plein de confiance,
Qui, d’instinct, au moment de perdre connaissance,
Prenait son général, sans respect, pour abri,
Moi, je l’ai contre moi gardé comme un cabri.
Comme un chevreuil qui veut des chasseurs qu’on le sauve.
Il resta là, collé contre ma botte fauve ;
Et pas un officier n’eût osé, d’un mot bref,
Relever cet enfant blotti contre son chef.
Et songeant qu’après tout ce n’est pas un grand crime
Que d’être faible alors qu’on vient d’être sublime,
Je lorgnais la bataille au loin, grave et muet :
Je sentais contre moi ce cœur qui remuait.

Et parfois, à travers le cuir, contre ma jambe,