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Cyrano.

Mais non, tu ne l’es pas puisque tu t’en rends compte.
D’ailleurs, tu ne m’as pas attaqué comme un sot.

Christian.

Bah ! on trouve des mots quand on monte à l’assaut !
Oui, j’ai certain esprit facile et militaire,
Mais je ne sais, devant les femmes, que me taire.
Oh ! leurs yeux, quand je passe, ont pour moi des bontés…

Cyrano.

Leurs cœurs n’en ont-ils plus quand vous vous arrêtez ?

Christian.

Non ! car je suis de ceux, — je le sais… et je tremble ! —
Qui ne savent parler d’amour…

Cyrano.

Qui ne savent parler d’amour.Tiens !… Il me semble
Que si l’on eût pris soin de me mieux modeler,
J’aurais été de ceux qui savent en parler.

Christian.

Oh ! pouvoir exprimer les choses avec grâce !

Cyrano.

Être un joli petit mousquetaire qui passe !

Christian.

Roxane est précieuse et sûrement je vais
Désillusionner Roxane !

Cyrano, regardant Christian.

Désillusionner Roxane !Si j’avais
Pour exprimer mon âme un pareil interprète !

Christian, avec désespoir.

Il me faudrait de l’éloquence !

Cyrano, brusquement.

Il me faudrait de l’éloquence !Je t’en prête !
Toi du charme physique et vainqueur, prête-m’en :
Et faisons à nous deux un héros de roman !

Christian.

Quoi ?

Cyrano.

Quoi ?Te sens-tu de force à répéter les choses