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LA FAISANE.

Mes amis les fagots ! Volés dans ma forêt !
— C’est donc vrai, ce qu’on dit ? Vous avez un secret ?

CHANTECLER, sec.

Oui, Madame.

LA FAISANE.

Oui, Madame. Je sens que l’insistance est vaine.

CHANTECLER, grimpant sur le mur du fond.

Et, d’ici, vous verrez le reste du domaine
Jusques au potager où l’on traîne le soir
Un serpent qui finit en pomme d’arrosoir.

LA FAISANE.

Comment ! c’est tout ?

CHANTECLER.

Comment ! c’est tout ? C’est tout.

LA FAISANE.

Comment ! c’est tout ? C’est tout. Alors, tu t’imagines
Que le monde a pour borne un carré d’aubergines ?

CHANTECLER.

Non.

LA FAISANE.

Non. Tu ne rêves pas des horizons plus grands
Quand passe un vol triangulaire d’émigrants ?

CHANTECLER.

Non.

LA FAISANE.

Non. Mais tous ces objets sont pauvres et moroses !

CHANTECLER.

Moi, je n’en reviens pas du luxe de ces choses !

LA FAISANE.

Tout est toujours pareil, pourtant !

CHANTECLER.

Tout est toujours pareil, pourtant ! Rien n’est pareil,
Jamais, sous le soleil, à cause du soleil !
Car Elle change tout !