Page:Rostand - Chantecler.djvu/55

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHANTECLER.

Ah ! c’est à devenir enragé ! Mais, Patou !…

PATOU.

Selon leur mot ignoble, on rigole de tout ;
Et moi, qui ne suis pas cependant un king Charles,
Quand je dis quelque chose on me répond : « Tu parles ! »
Oh ! fuir ! suivre un berger qui n’a rien dans son sac !
Mais, du moins, quand la nuit on lape l’eau du lac,
Avoir — ce qui vaut mieux que tous les os à moelles —
La fraîche illusion de boire les étoiles !

CHANTECLER, étonné de ce que Patou, sur les derniers mots,
a baissé la voix.

Pourquoi parles-tu bas ?

PATOU.

Pourquoi parles-tu bas ? Oui, maintenant, tu vois,
Quand on parle d’étoile il faut baisser la voix.

Il met tristement sa tête sur ses pattes.
CHANTECLER, le consolant.

Voyons !

PATOU, se redressant.

Voyons ! Mais c’est trop bête et c’est trop lâche, en somme
Je crierai si je veux.

Il hurle de toute sa voix.

Je crierai si je veux. Étoiles !…

Puis, comme soulagé.

Je crierai si je veux. Étoiles !… Nom d’un homme !

DES POULETS, qui passent, au fond, ricanant.

Étoile ! — À nous l’azur ! — Étoile !

Ils s’éloignent en bouffonnant.
PATOU.

Étoile ! — À nous l’azur ! — Étoile ! Écoute-les !
On entendra bientôt siffloter les poulets !

CHANTECLER, se promenant fièrement.

Que m’importe ! Je chante ! et j’ai pour moi les poules !

PATOU.

Méfions-nous du cœur des poules — et des foules !