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CHANTECLER, lui montrant le Merle.

Son costume moderne. Ah ? Il est en habit !
Il a l’air, dans son frac d’une coupe gentille…

PATOU.

Du petit croque-mort de la Foi, qui sautille.

CHANTECLER, riant.

Là ! tu le fais plus noir qu’il n’est.

PATOU.

Là ! tu le fais plus noir qu’il n’est. J’ai remarqué
Que le merle siffleur n’est qu’un corbeau manqué.

CHANTECLER.

Oui, mais sa petitesse…

PATOU, agitant terriblement ses oreilles.

Oui, mais sa petitesse… Ah ! méfions-nous d’elle !
Le mal, pour commencer, crée un petit modèle.
Ne prends pas des essais pour des diminutifs :
L’âme des coutelas rêve dans les canifs ;
Le merle et le corbeau sont faits du même crêpe,
Et, jaune et noir, le tigre est déjà dans la guêpe !

CHANTECLER, amusé par la fureur de Patou.

Bref, le Merle est méchant, il est bête, il est laid…

PATOU.

Il est surtout… que l’on ne sait pas ce qu’il est.
Pense-t-il un instant ? Sent-il une minute ?
Tu ! tu ! tu !

CHANTECLER.

Tu ! tu ! tu ! Mais quel mal fait-il ?

PATOU.

Tu ! tu ! tu ! Mais quel mal fait-il ? Il tututute !
Et rien n’est plus fatal, pour qui pense et qui sent,
Que ce vil tu tu tu complexe et réticent !
Oui, chaque jour — voilà pourquoi je roule l’Rrrr
J’entends baisser les cœurs et le vocabulaire
Ah ! c’est à devenir enragé !