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LE PIGEON, très ému.

Chantecler !

UNE POULE.

Chantecler ! Sur le mur… il vient !

UNE AUTRE POULE.

Chantecler ! Sur le mur… il vient ! Il est tout près !

LA POULE BLANCHE, au Pigeon.

Oh ! tu vas voir, c’est un beau coq !

LE MERLE, passant sa tête entre les barreaux.

Oh ! tu vas voir, c’est un beau coq ! D’ailleurs, c’est très
Facile à faire, un coq !

LE DINDON, plein d’admiration.

Facile à faire, un coq ! Ce Merle est d’une force !

LE MERLE.

Vous prenez un melon, de Honfleur, pour le torse.
Pour les deux jambes, deux asperges, d’Argenteuil.
Pour la tête, un piment, de Bayonne. Pour l’œil,
Une groseille, de Bar-le-Duc. Pour la queue,
Un poireau, de Rouen, tordant sa gerbe bleue.
Pour l’oreille, ô Soissons ! un petit haricot.
Ça y est. C’est un coq !

LE PIGEON, doucement.

Ça y est. C’est un coq ! Moins le cocorico !

LE MERLE, lui montrant Chantecler qui paraît sur le mur.

Oui. Mais sauf ce détail tu vois que ça ressemble ?

LE PIGEON.

Pas du tout !

Et regardant Chantecler d’un œil tout autre que celui du Merle :

Pas du tout ! Moi, je vois, sous un cimier qui tremble,
Venir le Chevalier superbe de l’Été,
Qui pour se draper d’or semble avoir emprunté
À quelque char du soir où la moisson vacille
Sa cape, qu’il retrousse avec une faucille !

CHANTECLER, sur le mur, dans un long soupir guttural.

Cô…