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LA FAISANE.

Mais si le soleil monte ?

CHANTECLER.

Mais si le soleil monte ? Eh bien, c’est que dans l’air
Il avait dû rester de ma chanson d’hier !

À ce moment, des vols mous et gris passent à travers les arbres
LES Hiboux, ululant de joie.

Il s’est tu !

PATOU, qui a levé la tête et les suit des yeux.

Il s’est tu ! Les Hiboux, fuyant la clarté neuve,
Sont rentrés dans le bois !

LES HIBOUX, regagnant leurs trous dans les vieux arbres.

Sont rentrés dans le bois ! Il s’est tu !

CHANTECLER, toute sa force retrouvée.

Sont rentrés dans le bois ! Il s’est tu ! Et la preuve
Que je servais à la clarté quand je chantais,
C’est que tous les Hiboux sont gais quand je me tais !

Et marchant vers la Faisane, avec une sorte de défi.

Je fais venir l’Aurore !… et je fais plus !

LA FAISANE, suffoquée.

Je fais venir l’Aurore !… et je fais plus ! Vous faites ?…

CHANTECLER.

Car, dans les matins gris où tant de pauvres bêtes,
S’éveillant sans y voir, n’osent croire au réveil,
Le cuivre de mon chant remplace le soleil !

Et il remonte en disant :

Allons chanter !

LA FAISANE.

Allons chanter ! Comment reprend-on du courage
Quand on douta de l’œuvre ?

CHANTECLER.

Quand on douta de l’œuvre ? On se met à l’ouvrage !

LA FAISANE, avec une colère obstinée.

Mais si tu ne fais pas se lever le matin ?

CHANTECLER.

C’est que je suis le Coq d’un soleil plus lointain !