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CHANTECLER.

… Comparer mon chant rude à cette voix divine ?
Crapules de Crapauds ! — Et je ne voyais pas
Qu’on lui faisait ici ce qu’on m’a fait là bas !

LE GROS CRAPAUD, se gonflant soudain.

Eh bien, oui !…

LE ROSSIGNOL.

Eh bien, oui !… Les vapeurs tremblent comme des tulles…

LE GROS CRAPAUD, glorieusement.

Nous sommes les Crapauds chamarrés de pustules !

Et tous, maintenant, se dressent, gonflés, entre l’arbre et Chantecler.
CHANTECLER.

Je n’ai pas vu, moi qui n’ai jamais envié,
La table vénéneuse où j’étais convié !

LE ROSSIGNOL.

Qu’importe ! Tôt ou tard, toi le fort, moi le tendre,
Nous devions, par-dessus les Crapauds, nous entendre !

CHANTECLER, religieusement.

Chante !…

UN CRAPAUD, qui s’est traîné en hâte au pied de l’arbre
où le Rossignol chante.

Chante !… Engluons l’écorce avec nos petits bras,
Et bavons sur le pied de l’arbre !

Ils rampent tous vers l’arbre.
CHANTECLER, essayant d’arrêter l’un d’eux qui lourdement se hâte.

Et bavons sur le pied de l’arbre ! N’as-tu pas
Toi-même, pour chanter, Crapaud, une voix pure ?

LE CRAPAUD, avec l’accent de la plus sincère souffrance.

Oui… mais quand j’en entends une autre, je suppure !

Et il rejoint ses frères.
LE GROS CRAPAUD, comme mâchonnant une écume.

Il nous vient sous la langue on ne sait quels savons,