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Voulant poser tes pieds, toi, le Merle des bois,
Comme si tu marchais sur le pavé de bois,
Désormais…

LE MERLE.

Désormais… Je…

CHANTECLER.

Désormais… Je… J’y vais ! j’y vais ! — …toujours, sans trêve,
Moineautant jour et nuit, moineaueant même en rêve,
Condamné par toi-même à moineauter sans fin,
Pour faire le moineau tu feras le serin !

LE MERLE.

Mais…

CHANTECLER.

Mais… Ô touchants efforts d’un oiseau de province !
— Pour dire avec l’accent faubourien : « Mon prince ! »
C’est en vain que tu mets ton gros bec de travers.
Tu veux cueillir les mots d’argot ? Ils sont trop verts !
Chaque grain que tu prends te crève aux mandibules :
Les raisins de Paris sont des grappes de bulles !
N’ayant pris au Moineau que son truc et son tic,
Tu n’es qu’un sous-farceur et qu’un vice-loustic.
Dans ton gros babil noir lu refais en moins juste
Les tours du clown divin dont tu n’es que l’Auguste !
Tu nous ressers les vieux pyrrhonismes jobards
Qu’on trouve en picorant les miettes des grands bars  !
Pauvre petit oiseau qui croit qu’il nous épate
En venant réciter sa nouvelle à la patte !
Les Rivarol manqués s’appellent Calino.

LE MERLE.

Mais…

CHANTECLER.

Mais… J’y vais ! — Ah ! tu veux imiter le Moineau ?
Mais, lui, qui n’admet pas que, sournoisement rosse,
De la désinvolture on fasse un sacerdoce
Et que l’on soit espiègle avec autorité,
Il n’est pas le pédant de la légèreté !