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Et, le jour, tout cela restait tranquille, mais
Tout cela s’éveillait dès que je m’endormais ;
De ces pages, alors, qui les pressaient entre elles,
Les batailles sortaient en s’étirant les ailes !
Des feuilles de laurier pleuvaient sur mes yeux clos ;
Austerlitz descendait tout le long des rideaux ;
Iéna se suspendait au gland qui les relève,
Pour se laisser tomber, tout d’un coup, dans mon rêve !
— Or, un jour, que, chez moi, Metternich, gravement,
Me racontait mon père, à sa guise !… au moment
Où, très doux, j’avais l’air tout à fait de le croire,
Voilà mon baldaquin qui croule sous la gloire !
Cent livres, dans ma chambre, agitent un seul nom
En battant des feuillets !

PROKESCH.

En battant des feuillets !Metternich bondit ?

LE DUC.

En battant des feuillets !Metternich bondit ?Non.
Calme, il me dit, avec son sourire d’évêque :
« Pourquoi placer si haut votre bibliothèque ? »
Et sortit… Depuis lors je lis ce que je veux.

PROKESCH, désignant un volume.

Même Le Fils de l’homme ?

LE DUC.

Même Le Fils de l’homme ?Oui.

PROKESCH, désignant un volume.

Même Le Fils de l’homme ?Oui.Ce livre odieux ?

LE DUC.

Oui. Ce livre français — car la haine est injuste ! —
Prétend qu’on m’empoisonne et parle de Locuste.
Mais, France, s’il se meurt, ton prince impérial,
Pourquoi diminuer la beauté de son mal ?
Ce n’est pas d’un poison grossier de mélodrame
Que le duc de Reichstadt se meurt : c’est de son âme !

PROKESCH.

Monseigneur !

LE DUC.

Monseigneur !De mon âme et de mon nom !… ce nom