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LE CAPITAINE FORESTI, s’avançant et saluant.

Aux ordres, Foresti !Mon colonel ?

LE DUC.

Aux ordres, Foresti !Mon colonel ?Manœuvre
Après-demain. — Qu’on soit aux premiers feux du ciel
À Grosshofen. — Compris ? — Va.

FORESTI.

À Grosshofen. — Compris ? — Va.Bien, mon colonel.

LE DUC, aux autres officiers.

Vous pouvez me laisser, Messieurs. Je vous salue.

(La maison militaire se retire. Sedlinsky va pour sortir avec les officiers. Le duc le rappelle.)

Mon cher comte !…

(Sedlinsky revient. Le duc lui tend du bout des doigts une lettre qu’il tire de son frac.)

Mon cher comte !…Une encor que vous n’avez pas lue !…

(Sedlindsky remet, d’un air piqué, la lettre sur la table, et sort.)
DIETRICHSTEIN, au duc.

Je vous trouve, avec lui, d’une sévérité !

L’ARCHIDUCHESSE, à Dietrichstein.

Le duc n’a-t-il donc pas toute sa liberté ?

DIETRICHSTEIN.

Oh ! le prince n’est pas prisonnier, mais…

LE DUC.

Oh ! le prince n’est pas prisonnier, mais…J’admire
Ce mais ! Sentez-vous tout ce que ce mais veut dire ?
Mon Dieu, je ne suis pas prisonnier, mais… Voilà.
Mais… Pas prisonnier, mais… C’est le terme. C’est la
Formule. Prisonnier ?… Oh ! pas une seconde !
Mais… il y a toujours autour de moi du monde.
Prisonnier !… croyez bien que je ne le suis pas !
Mais… s’il me plaît risquer, au fond du parc, un pas,
Il fleurit tout de suite un œil sous chaque feuille.
Je ne suis certes pas prisonnier, mais… qu’on veuille
Me parler privément, sur le bois de l’huis
Pousse ce champignon : l’oreille ! — Je ne suis
Vraiment pas prisonnier, mais… qu’à cheval je sorte,
Je sens le doux honneur d’une invisible escorte.
Je ne suis pas le moins du monde prisonnier !