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Mais haussez au soleil la page diaphane :
Le mot « Napoléon » est dans le filigrane !

MARIE-LOUISE, reculant épouvantée.

Mon fils !

LE DUC, marchant sur elle.

Mon fils !Duc de Reichstadt, avez-vous dit ? Non, non !
Et savez-vous quel est mon véritable nom ?
C’est celui qu’au Prater la foule qui s’écarte
Murmure autour de moi : « Le petit Bonaparte ! »
(Il l’a saisie par les poignets, et il la secoue.)
Je suis son fils ! rien que son fils !

MARIE-LOUISE.

Je suis son fils ! rien que son fils !Tu me fais mal !

LE DUC, lui lâchant les poignets, et la serrant dans ses bras.

Ah ! ma mère ! pardon ! ma mère…
(Avec la plus tendre et la plus douloureuse pitié.)
Ah ! ma mère ! pardon ! Ma mère…Allez au bal !

(On entend l’orchestre, au loin, jouer légèrement.)

Oubliez ce que j’ai dit là ! C’est du délire !
Vous n’avez pas besoin même de le redire,
Ma mère, à Metternich.

MARIE-LOUISE, déjà un peu rassurée.

Ma mère, à Metternich.Non, je n’ai pas besoin ?…

LE DUC.

La valse avec douceur vient de reprendre au loin…
Non ! ne lui dites rien. Et cela vous évite
Des ennuis. Oubliez ! Vous oubliez si vite !

MARIE-LOUISE.

Mais je…

LE DUC, lui parlant comme à une enfant, et la poussant insensiblement vers la porte.

Mais je…Pensez à Parme ! au palais de Salla !
À votre vie heureuse ! Est-ce que ce front-là
Est fait pour qu’il y passe une ombre d’aile noire ?
— Ah ! je vous aime plus que vous n’osez le croire ! —
Et ne vous occupez de rien ! pas même — ô dieux ! —